mercredi 4 mars 2015

Orgasme en maison close...

Comme chaque année, nous venons de vivre le pire mois de l'avant-saison. Février devrait être banni des calendriers : le mois du froid, de la grisaille, de l'immobilisme. 

Le mois où vraiment on n'en peut plus de l'hiver qui semble ne jamais vouloir passer. 

Le mois où on compte les heures, les minutes, qui nous séparent du droit d'aller retrouver les belles de la Fecht, les ombres mosellans.

Février est mort, ça y est. Un mince espoir de sortie renaît. On se remet à contempler les nuages, à consulter fiévreusement le site de Vigicrue, à faire des estimations aléatoires de l'épaisseur du manteau neigeux.

Bon, sur ce coup là, Vigicrue n'aura pas été de bon augure pour nous. Nous devions enfin, après des mois de léthargie, sortir hier avec l'Autoéclosion (le bonhomme que je dois vous présenter dans l'article suivant) : direction le Doubs, chez l'ami Bigup.

Mais la météo en a, comment dire, décidé autrement :


Adieu promesses de pêches miraculeuses, d'apéritif au Sapon, de casse-croûte sur un caillou à se raconter des histoires de pêche que tous connaissent déjà.

La mort dans l'âme, l'Autoéclosion avait donc prévu de se pendre. 

Alors, pour lui épargner ce sort funeste, nous avons dû nous résoudre à la solution de l'extrême : la solution des amoureux éconduits, la solution des rustres, la solution de ceux dont les hormones prennent le dessus sur la raison : un passage en maison close.

Qu'on se le dise, en dépit d'un ton ironique, je n'ai rien contre la pêche en réservoir. Certains y prennent du plaisir et se spécialisent même dans le courtisage de truites de bassines suréduquées.

Mais je n'ai jamais accroché plus que de raison ce genre d'endroits. Peut-être que les résidentes, par trop impressionnable par les strass, les paillettes, les frou-frou, me semblent trop futiles. Peut être la lenteur de la pêche, l'économie de déplacements, m'ennuie-t-elle un peu. Peut être que les rustres que j'y rencontre quelque fois, obnubilés par leur besoin de vaincre la gente féminine, d'avoir la plus grosse (et de surtout ne pas saluer, ni engager la conversation), me rendent-ils un peu amer.

Bref, comme tous les bonhommes en manque, on est sortis en maison close.


Et je dois reconnaître que ça a été bon : les premières morsures d'un timide soleil d'hiver, les premiers chants de merles, de l'eau claire, des poissons pas si faciles, une pêche fine en nymphe, et même : les premiers poissons pris en sèche. Je dois l'avouer, on a eu notre orgasme. Un petit, certes. 


Peut-être que la culpabililté de pêcher un lupanard, ou celle de prendre des poissons à la barbe d'un (visiblement) grand spécialiste de la spécialité (et qui fait des doubles tractions, et qui peste, et qui vocifère, et qui change de mouche, puis de soie, puis de stratégie), peut-être donc que ce sentiment a atténué un peu la décharge d’ocytocine.





































Mais on s'est bien marrés, et enfin, le soir, on a pu s'endormir à nouveau sur l'image d'un museau qui perce la surface pour, délicatement, cueillir un sedge. 

Encore quelques semaines à tenir...

@ bientôt,

Gilles,
Guide de pêche en Alsace.